La liberté de conscience

Publié le par Bernard Bonnejean

 

QU'EST-CE QUE L'« OBJECTION DE CONSCIENCE  » ?


 

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Il est important de rappeler que la notion d' « objection de conscience » s'applique en priorité aux hommes politiques confrontés à une incompatibilité entre leur éthique et la loi, fût-elle démocratique. Le Pape Jean-Paul II s'est ainsi adressé aux parlementaires, représentants d'un peuple à un moment précis d'une histoire donnée, contraints d'accepter une loi votée par une majorité d'entre eux. Evangelium Vitae affirme ainsi de façon très claire : 

« Dans le cas d'une loi intrinsèquement injuste, comme celle qui admet l'avortement ou l'euthanasie, il n'est jamais licite de s'y conformer ni de participer à une campagne d'opinion en faveur d'une telle loi ni de donner à celle-ci son suffrage. Un problème de conscience particulier pourrait se poser dans les cas où un vote parlementaire se révélerait déterminant pour favoriser une loi plus restrictive pour remplacer une plus permissive déjà en vigueur ou mise aux voix... En ce cas, il est évident que, lorsqu'il ne serait pas possible d'éviter ou d'abroger complètement une loi [...] un parlementaire, dont l'opposition personnelle absolue [...] serait manifeste et connue de tous, pourrait licitement apporter son soutien à des propositions destinées à limiter les préjudices d'une telle loi et à en diminuer ainsi les effets négatifs sur le plan de la culture et de la moralité publique. Agissant ainsi, en effet, on n'apporte pas une collaboration illicite à une loi inique ; on accomplit plutôt une tentative légitime, qui est un devoir, d'en limiter les aspects injustes ».

Ce passage exprime sans agressivité ni coercition ce qu'on peut entendre par « objection de conscience » dans un cadre purement législatif et démocratique. Il limite sans aucune ambiguité ce qu'il est convenu d'appeler « la discipline de parti », « la solidarité ministérielle » ou « parlementaire ». Si la ligne du parti est bien la « Position commune imposée aux membres d'un parti politique », il serait au moins souhaitable qu'elle soit assouplie lorsqu'il s'agit de légiférer sur des 

« valeurs humaines et morales essentielles et originelles, qui découlent de la vérité même de l'être humain et qui expriment ou protègent la dignité de la personne, [...] donc des valeurs qu'aucune personne, aucune majorité ni aucun État ne pourront jamais créer, modifier ou abolir, mais que l'on est tenu de reconnaître, respecter et favoriser ».


 

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Monsieur Hollande a aujourd'hui décidé d'entendre la voix de l'opposition de Français pour lesquels la loi sur le mariage homosexuel et le droit à l'adoption pour tous touche précisément à ces « valeurs humaines et morales essentielles et originelles » dont parle le Pape. C'est une concession bien inutile car il est parfaitement inconcevable qu'un policier ou un juge contraigne un citoyen à l'application d'une loi qu'il estime parfois moins importante que sa vie même. 

 

 


Parlons clair : que se serait-il passé si, une fois la loi votée (ce qui n'est pas fait), des maires catholiques — il est absurde de les cataloguer parmi les « intégristes » — avaient refusé de célébrer une union légale sur le plan du droit, mais illicite au regard de leur foi ? Aurait-on envoyé les forces de police ? Quelles belles noces placées sous le règne des armes alors qu'on en défend la légitimité sur le principe de l'amour ! Reste la question d'un éventuel suppléant... Dans beaucoup de communes de France règne une paix et une douceur de vivre suffisantes pour qu'il n'y ait eu qu'une liste unique aux élections municipales... On se tue à répéter que Paris n'est pas la France et que souvent la France ne ressent qu'indifférence pour les mœurs parisiennes dont elles sont bien éloignées. Les homosexuels n'y sont pas toujours rejetés ou montrés du doigt, mais de là à les marier... Monsieur Hollande a prévu le cas, semble-t-il : on fera appel au préfet ! Ne s'éloigne-t-on pas de plus en plus de l'option sentimentale dans ce cas précis ? Vous imaginez les potins locaux, la « publicité » autour de l'événement, la presse locale qui manque bien souvent d'imagination et qui s'empressera de relater les étapes de « l'affaire », du refus du maire et de son conseil à l' « heureux dénouement ». Vous me permettrez de plaindre les futurs époux, bien sincèrement. 

 

 

 

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Laissons la parole, pour terminer, à Michel Schooyans, p
rofesseur émérite de l'Université de Louvain, de Sao Paulo (Brésil) et de diverses universités latino-américaines, membre, entre autres, de l’Institut Royal de Relations Internationales de Bruxelles, de la Population Research (Washington DC), de l'Institut de Démographie Politique, de l'Académie Mexicaine de Bioéthique, de l'Académie Pontificale des Sciences Sociales et conseiller du Conseil Pontifical pour la Famille. Il concluait ainsi un article sur l'avortement et « L'objection de conscience en politique » :

 

« La résistance des hommes politiques

 Il semble tout d'abord que beau­coup de chrétiens ne mesurent pas encore la gravité sans précédent des menaces qui pèsent sur le droit à la vie, lequel est pour­tant inhérent à l'Évangile. Trop de chré­tiens tergiversent lorsque ce droit est bafoué ou sur le point de l'être. Cette situa­tion est d'autant plus grave que les chré­tiens n'ont pas le monopole de la défense de la vie humaine. Le respect de toute vie humaine est un précepte fondamental de toutes les grandes traditions morales de l'Humanité et de toutes les civilisations ; ce droit est essentiel à toute société démocra­tique. Tous les grands mouvements sociaux qui se sont développés depuis le XIX° siècle ont contesté les abus de pouvoir commis par les plus forts contre les plus faibles. Le signe le plus éclatant qui manifeste qu'un pouvoir, peut-être légitime à l'origine, dérive vers le totalitarisme, c'est que ce pouvoir s'en prend aux innocents. Un tel pouvoir doit être dénoncé et combattu ; il fait de la résistance active un devoir de conscience.

Aussi, le respect de valeurs supérieures, qui fondait l'objection de conscience des militaires chrétiens dans l'Antiquité chré­tienne, justifie aujourd'hui l'objection de conscience non seulement des personnels médicaux, mais des hommes politiques, les législateurs et en particulier des parlementaires. Le courage du roi Baudouin de Belgique, qui refusa de signer la loi légali­sant l'avortement, brille ici comme un exemple pour les chrétiens dans le monde de ce temps. La crainte du Dieu trois fois Saint, qui interdisait aux chrétiens de sacri­fier aux dieux de la Cité antique, interdit aux chrétiens d'aujourd'hui de sacrifier aux idoles de l'anti-théisme contemporain. Dans ce monde où le droit ne tient qu'à un fil appelé consensus, le chrétien doit apparaître comme un signe de division et se rappeler que par son baptême il appartient à un peuple de prophètes. Au nom du pluralisme, trop de chrétiens se laissent dépouiller de leur propre morale, au point d'adhérer à une conception perverse de la démocratie. Jamais peut-être n'a été aussi pressant 



l'appel évangélique à la résistance ».  

 

 

Bernard Bonnejean

 

UN TÉMOIGNAGE ESSENTIEL

 


 

 


Publié dans vie en société

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