Le miracle littéraire !!

Publié le par Bernard Bonnejean

 

ou comment les grandes découvertes arrivent sans recherche



Aujourd'hui, vers 15 heures, m'est parvenue une lettre, ou plus exactement un mail, pour m'annoncer ce qui pourrait bien se révéler LA découverte littéraire de l'année. Je sais que ce n'est pas le lieu pour faire ce genre d'annonce. Mais pour vous remercier de m'avoir lu avec attention et patience, je crois qu'il est de mon devoir de vous informer avant tout le monde de cet événement capital. En deux mots : vous assistez en direct à  une révolution dans le monde des Lettres, si je ne me trompe pas.


Avant de reproduire la lettre reçue, permettez-moi de vous demander si vous avez déjà entendu parler d'un grand poète du mouvement symboliste de la fin du XIXe siècle : Stéphane Mallarmé. Le fait est qu'on l'étudie peu au lycée, parce qu'il passe, avec raison, pour hermétique. Contentons-nous d'un unique sonnet qui vous permettra de comprendre la difficulté à en saisir la signification :

 

Victorieusement fuit le suicide beau
Tison de gloire, sang par écume, or, tempête !
Ô rire si là-bas une pourpre s'apprête

A ne tendre royal que mon absent tombeau.

Quoi ! de tout cet éclat pas même le lambeau

S'attarde, il est minuit, à l'ombre qui nous fête
Excepté qu'un trésor présomptueux de tête
Verse son caressé nonchaloir sans flambeau,

La tienne si toujours le délice ! la tienne
Oui seule qui du ciel évanoui retienne
Un peu de puéril triomphe en t'en coiffant

Avec clarté quand sur les coussins tu la poses

Comme un casque guerrier d'impératrice enfant
Dont pour te figurer il tomberait des roses.


Ce n'est certes pas une poésie facile et je ne me risquerai pas à vous en faire une analyse , au risque de vous détourner définitivement de pages écrites uniquement pour vous.

Donc, cette après-midi, j'ai reçu ce mot d'un certain Jean-Luc Hiron (il m'a permis de dévoiler son identité et de toute façon il vaut mieux qu'il s'habitue tout de suite à une notoriété peut-être imprévue et traumatisante) :

Mon oncle qui habite Tournon a trouver dans une vielle malle dans son grenier une correspondance(époque??) . Il y a une lettre datée de 1867 à un certain H.C, qui contient un poéme vraiment bizzarre auquel je ne comprends pas grand chose(ils y a même des mots qui n'existent pas!). La signature est quasiment illisible (l'encre est passée). Mon oncle dit que la malle appartenait à un ami de son grand-père. Je ne sais pas si cette poésie vaut quelquechose et je n'y comprends presque rien.  Il y a d'autre poèmes (2ou3) encore plus obscurs que j'ai prêté à un type instituteur qui est dans mon immeuble. Il dit que c'est du charabia.
Je copie, mot à mot :

[NDR : Et si je ne me trompe, ce qui suit tient du miracle. Une découverte sensationnelle !!!]

 

Si le marbre, au parfait de la pierre érudite,
M'explique sous la clef la courbe qu'il se doit

Du bras d'une main fine, à l'extrême d'un doigt
indolent dans l'effort que son don nécessite, 


O gardienne du dôme où l'or frais facilite
D'ombres, dont le partage a jumelé l'émoi,
Si la tunique verse un peu de désarroi
Sur ton pied qu'à demi l'essor las sollicite,


Ces courbes, qu'a flattés le cueillir où tu tends,
S'écoulent dans la paume innombrable du temps
Et le plein onctueux pallia l'étroitesse. 


Romaine dont la cendre emplira le cyprès,
Toi qu'un ciseau doubla du pur contour si près,
Va, pour ce voeu sans fin, fêtant ta morbidesse.


Vous ne comprenez pas tout ? N'ayez crainte, moi non plus. Mais là n'est pas la question.

En 1867, Stéphane Mallarmé entretenait une correspondance très suivie avec un nommé... Henri Cazalis né à Cormeilles-en-Parisis dans le Val-d'Oise, le 9 mars 1840 et mort à Genève le 1er juillet 1909.  Henri Cazalis [portrait en marge] : le H. C. de la malle de l'oncle de Monsieur Hiron !? Tout se tient : Cazalis était médecin mais aussi poète, auteur en cette année 1867 de poèmes qui figureront l'année suivante, sous le pseudonyme plus célèbre de Jean Lahor, dans Melancholia. Il s'agit donc d'un inédit, jugé trop indigne par l'auteur ou, à mon avis, d'un manuscrit  de Mallarmé, ce qui rendrait encore plus inestimable la valeur de ces documents. On va probablement  en entendre parler dès la semaine prochaine dans la presse spécialisée.

Vous rendez-vous compte du cadeau que je vous fais. En avant-première. Gardez tout ça bien précieusement. Parce que bientôt, gare aux droits de reproduction !! Mais pour vous comme pour over-blog et pour moi, il sera trop tard.

Bon dimanche.

Bernard Bonnejean


J'allais oublier. J'ai promis à M. Hiron de publier un de ses poèmes en manière de remerciement. "Bon sang ne saurait mentir", dit le proverbe et c'est avec un grand plaisir que je vous le fais partager. Bravo Jean-Luc :

Quand il fait beau,
Je prends ma moto.
Grisé par le vent,
J'avance en avant.

Je vois le oiseaux
S'envolés des roseaux.
Je vais près de l'étang
Profiter du beau temps,
Regarder les poissons
qui vibre à l'unisson
 
Entre les algues vertes,
où la pupille ouverte
Un gros crapaut s'enlise
Près d'une vieille valise.
 

Les gens sont pas trés propres
Si on veut mon avis,
Ils jettent des cochonneries
Sans ce soucier des autres.


Le bois est bien charmant
Sans un seul batiment :
Partout des oisillons
Qui siflent des chansons,
Et des fleurs agréables
ornées de papillons affables.

Je viens me ressourcer
dans ce bois enchanté
Et parmi les fougères
trés souvent à pieds j'erre
Ayant garé ma moto
Près d'un boulôt.


Parfois je m'étends dans le gazon
En rêvant de nouveaux horizons.

Puis la lune apparaît
Le coeur un peu sérré
Je reprends ma moto
En pensant : que c'est beau !

JLH

Publié dans poésie

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S
Enfin, je trouve ce poète que je ne l'ai jamais lu, Stéphane Mallarmé, merci pour ce beau partage, bonne soirée, bises
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B
<br /> Franchement, Samia, ce n'est pas une bonne idée.<br /> <br /> Même les Français qui croivent parler leur langue correctement ne comprennent pas un mot de Mallarmé. Si tu veux essayer, tu verras très vite par toi-même. Il est bien possible qu'il soit<br /> en livre de poche.<br /> <br /> Je t'embrasse, chère patronne,<br /> <br /> Bernard<br /> <br /> <br />
D
Mon virtuel filleul, soyez remercié d'avoir publié une musique savante et un tableau naïf. Votre oecuménisme poëtique me plaît.<br /> Lorca a su aussi faire cet haiku ibérien : "Si je me perds, que l'on me cherche en Andalousie. Ou à Cuba."
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B
<br /> Bientôt, ma Reine, un portrait de DD.<br /> <br /> Comme promis.<br /> <br /> Lorca, c'est tout ce que j'aime et, ses assassins, tout ce que je hais.<br /> <br /> <br />
Y
Bonsoir Bernard...<br /> Mallarmé c'est du bon mais comme tu le dis,pas évident à capter et on lui doit beaucoup dans notre culture,Lorca aussi mais traduit en français,j'ai beau avoir fait 3 ans d'espagnol,il ne me reste plus grand-chose,mais c'est du grand auteur...et sympa aussi le poème JLH parce que je fais comme lui,je prends la moto...et pas seulement quand il fait beau...<br /> bonne soirée et bon début de semaine<br /> Yann
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B
<br /> C'est bien Yann. Depuis que je te connais, j'ai remarqué que JAMAIS tu ne disais du mal de personne. C'est plutôt rare de nos jours. Une vraie grande qualité.<br /> <br /> <br />
B
Arlette,<br /> <br /> Surtout ne vous vexez pas ! C'est juste parce que j'ai une admiration sans bornes pour ce poète assassiné que je vous le dis et pour faciliter les recherches des curieux : ce n'est pas Frederico mais Federico (je ne mets pas les accents : pas besoin sur les moteurs de recherche).<br /> Merci de tout coeur pour votre compréhension. Je n'ai rien d'un pinailleur aurtografique, et je n'aime pas cette engeance indélicate. Mais Lorca c'est Lorca !
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A
Merci Bernard d'avoir mis ce texte de Frédérico : ce matin je vais déposer sur mon blog un poème "Attente".<br /> <br /> A bientôt et belle journée
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S
Bonjour Bernard, je ne connais pas ce poète, et je te remercie de nous avoir fait découvrir une bonne poésie, j'essaierais de lire sur sa vie, et trouver d'autres de ses poèmes pour découvrir toute sa poésie une fois j'aurais le temps, pour cette semaine impossible, mais les jours qui viendront dans le mois prochain, j'aime découvrir d'autres cultures ou d'autres poètes, bon début de semaine et merci pour cet article que je trouve bien écrit et à très bientôt.
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S
bonsoir bonnejean.<br /> <br /> je pense que dans le premier poème mallarmé ridiculise la notion du beau telle que conçue par les romantiques qui chantent la nature.<br /> <br /> Aussi prêche l'hermétisme en poèsie.<br /> <br /> A+.POUR LES AUTRES POEMES.<br /> <br /> samia lamine.<br /> <br /> Bienvenue sur mon blog Bernard!
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B
<br /> Samia, je m'appelle Bernard, Bonnejean c'est pour l'administration et les copains de lycée, pas pour les jeunes femmes.<br /> Vous savez, Mallarmé est un poète difficile et il est parfois difficile de le comprendre. Mais il n'a ridiculisé ni le romantisme, dont il est parfois proche à sa façon, ni le Beau, dont personne<br /> ne peut donner la définition, parce que c'est très relatif. Il est l'un des précurseurs de la psychanalyse et, à ce titre, nos contemporains, en tout cas en Europe et aux Etats-Unis, par exemple,<br /> lui doivent beaucoup. En Tunisie, je ne sais pas. Mais vous savez que la poésie berbère n'est pas toujours d'un abord si facile non plus.<br /> <br /> Bonne nuit et amicalement<br /> <br /> Bernard<br /> <br /> <br />
A
Cher ami poète les greniers regorgent des trésors dont on a pas idée... Mais quand ils sont mis au jour, alors, alors oui c'est que du bonheur. Vous nous offrez un partage magnifique.<br /> Je vous offre aussi ma découverte d'un poète peu connu Frédérico Garcia Lorca :<br /> <br /> Ruche<br /> <br /> Nous vivons dans des cellules<br /> de verre,<br /> dans une ruche d'air !<br /> Nous nous embrassons à travers<br /> le verre,<br /> Merveilleuse prison<br /> dont la porte<br /> est la lune !<br /> <br /> Amitiés Arlette
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B
<br /> Allez c'est pas toujours fête ! Un hommage à Lorca :<br /> <br /> <br /> SI MIS MANOS PUDIERAN DESHOJAR <br /> <br /> <br /> Yo pronuncio tu nombre<br /> en las noches oscuras,<br /> cuando vienen los astros<br /> a beber en la luna<br /> y duermen los ramajes<br /> de las frondas ocultas.<br /> Y yo me siento hueco<br /> de pasión y de música.<br /> Loco reloj que canta<br /> muertas horas antiguas. <br /> <br /> Yo pronuncio tu nombre,<br /> en esta noche oscura,<br /> y tu nombre me suena<br /> más lejano que nunca.<br /> Más lejano que todas las estrellas<br /> y más doliente que la mansa lluvia. <br /> <br /> ¿Te querré como entonces<br /> alguna vez? ¿Qué culpa<br /> tiene mi corazón?<br /> Si la niebla se esfuma,<br /> ¿qué otra pasión me espera?<br /> ¿Será tranquila y pura?<br /> ¡¡Si mis dedos pudieran<br /> deshojar a la luna!!<br /> <br /> <br />
A
Cher ami poète les greniers regorgent des trésors dont on a pas idée... Mais quand ils sont mis au jour, alors, alors oui c'est que du bonheur. Vous nous offrez un partage magnifique.<br /> Je vous offre aussi ma découverte d'un poète peu connu Frédérico Garcia Lorca :<br /> <br /> Ruche<br /> <br /> Nous vivons dans des cellules<br /> de verre,<br /> dans une ruche d'air !<br /> Nous nous embrassons à travers<br /> le verre,<br /> Merveilleuse prison<br /> dont la porte<br /> est la lune !<br /> <br /> Amitiés Arlette
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M
Je ne vous ai jamais quitté. J'ai lu presque tous vos articles. Et je continuerai de le faire. Vous avez un réel talent, tant au niveau stylistique qu'au niveau du contenu. Vous lire, c'est réfléchir !<br /> De plus, je n'éprouve aucune rancune. Il est vrai que notre premier contact fut difficile. Nous avons tous deux manqué de tact l'un envers l'autre. Oui, je sais : moi, le premier.<br /> Mais, je vous le rappelle : pourquoi se priver d'un auteur comme vous ? <br /> J'ai bien aimé votre article sur le musée de l'objet de Blois.<br /> Bonne soirée et à bientôt <br /> MG
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B
<br /> Bientôt, je vous parlerai d'un artiste que j'ai bien connu et qui vous plaira sûrement : un Mayennais. Je garde la surprise.<br /> <br /> <br />