Lagaillarde au poteau

Publié le par Bernard Bonnejean


ou les hoquets de l'Histoire

Connaissez-vous La Chose ? Non, pas "la chose", La Chose. Ce n'est pas la même chose, parce que ce n'est pas la même "chose". "La chose", c'est cette chose naturelle dont nous ne parlons qu'à demi-mots, du moins chez les honnêtes gens qui l'appellent justement "la chose", pour ne pas avoir à la nommer. Il en est d'autres qui l'appellent bêtement "l'amour", ce qui est ridicule, parce que les bêtes font "la chose", sans faire "l'amour". D'ailleurs on peut faire "la chose" sans amour et un amour "platonique" s'entend sans "la chose".


                Abbé Gabriel-Charles de Lattaignant, Le Mot et la Chose, vers 1750.

Alors que La Chose ne peut être qu'une oeuvre, ou plus exactement, le titre d'une oeuvre. En l'occurrence, La Chose est le titre d'une émission de radio des années cinquante. Que la France d'antan se souvienne, que la France d'aujourd'hui s'imagine : autour de la TSF à lampes les enfants du baby-boom agglutinés, les plus grands tendant  l'oreille, les plus petits ne retenant que la beauté d'un mot, le timbre d'une voix, ou les commentaires des adultes et des aînés : "La chose est-elle un objet courant ?" et le monsieur de la TSF : "Dans la mesure où un objet qui sert régulièrement peut être dit courant, je serais tenté de répondre par l'affirmative. A quoi pensez-vous ?" Et le candidat s'en allait sous nos huées après avoir répondu : "A rien de particulier. C'était pour faire avancer la chose". Plus tard, beaucoup plus tard, le concept, comme on dit aujourd'hui, sera repris sous le nom de Schmilblick par Guy Lux, puis Coluche. Si mes souvenirs sont bons, ce n'était pas sur Paris-Inter, mais sur Radio-Monte-Carlo ou, plus sûrement, sur Europe n° 1.

De toutes ces émissions entendues entre 3 et 8 ans, je retiendrai, pêle-mêle : Quitte ou double, celle qui nous mettait en transe quand le candidat, déjà beau vainqueur, remettait tout en jeu en prononçant un "double" fatidique ; Signé Furax, Malheur aux BarbusSur le banc (avec Raymond Souplex et Jeanne Sourza), La Famille Duraton, toutes émissions auxquelles je ne comprenais pas tout, mais qui me faisait rire du rire des grands. Pour ma part, j'étais plus fasciné encore par l'horloge parlante : "Au troisième top, il sera exactement : dix heures, quinze minutes, huit secondes. TOP ! TOP ! TOP ! Dix heures, quinze minutes, huit secondes". Pas de discussion possible : c'était l'heure exacte et je n'ai connu personne qui en doutât ! Et un nom, un seul, plus parlant à ma mémoire que tous les autres, parce que sa sonorité me donnait déjà des envies de poésie : Zappy Max qui savait si bien scander "offert par Sunil" ou "offert par Omo", ou Pento, Pétrole Hahn ou Brillantine Forvil, dont abusaient mes frères aînés pour "aller voir" les filles (pas question de "draguer" à l'époque ni même de "flirter", ces choses se faisant bien entendu sans les mots pour le dire).



                                   Rudolph Valentino, le roi de la brillantine

Mais, comme j'ai eu l'occasion de le rappeler à une responsable politique d'Orléans qui eut la même expérience enfantine, deux noms ont causé notre douleur, notre hantise, et notre nostalgie présente. Le premier résonne dans ma tête comme un signe de discorde : Geneviève Tabouis. Papa n'était avec nous que le samedi et le samedi c'était Geneviève Tabouis. Qu'avaient-ils les hommes de cette époque à tomber en extase aux vaticinations péremptoires de la Madame Soleil,  l'indiscutée Cassandre de la politique internationale, eux qui avaient du mal à imaginer que leur femme et leurs filles pussent voter un jour ? Son "attendez-vous à savoir" déclenchait les hostilités entre le chef de famille et la famille dont il se croyait le chef. Seul à tendre l'oreille vers le poste, désespérément, sa meute, épouse et mère y compris, ricanait avec plus ou moins d'irrespect. Et ça finissait mal. Et ça recommençait la semaine d'après.

Puis un jour, mon grand frère, Jean dit Jeannot, est parti pour une destination plus ou moins secrète. Et, à partir de ce jour, on a écouté, avec attention, le Journal parlé. Il était surtout question des Russes (les Russkofs) toujours plus ou moins en bise-bise avec les Américains (les Amerloques). Là, on n'était pas obligés d'écouter, sauf quand il était question de bombe H ou de bombe A. Mais certains mots étaient chargés d'une liturgie solennelle : "Alger", "barricades", "mitraillettes", "fellagahs", "FLN"... On se taisait sans qu'on nous le demande, et je dévisageais ma mère et ma soeur aînée pour savoir comment allait Jeannot, là-bas, avant de recevoir la lettre que maman attendait : il était au Val de Grâce, grièvement blessé, mais vivant.


                          Les journées d'Alger 1961-1962
 par r9i1t0ch4i 



A partir de je ne sais plus quelle date, tous les jours la TSF répétait les cris de gens en colère. Je n'ai jamais oublié leur slogan : "LAGAILLARDE AU POTEAU ; LAGAILLARDE AU POTEAU". Jamais je n'aurais demandé la signification de ces mots ritualisés. Du reste, je ne savais absolument pas ni de quoi ni de qui il pouvait être question. Au début, le slogan défilait ainsi dans mon cerveau : "LA GAILLAR  DOPOTO", n'ayant pas encore en tête qu'on pût attacher quelqu'un à un poteau pour l'exécuter. Ce n'est que plus tard que je compris quand "LAGAILLARDE AU POTEAU" devint "DE GAULLE AU POTEAU" précédés et suivis de beaucoup d'autres.

Que de souvenirs, n'est-ce pas ? Et pourquoi jaillissent-ils aujourd'hui, vendredi 13 novembre 2009 ? A cause de Christine LAGARDE : LAGAILLARDE/LAGARDE, vous me suivez ? Vous allez rétorquer, tel que je connais votre bon coeur, qu'on ne va quand même pas la coller au poteau, avec douze balles dans la peau. Bon ! Soit ! Depuis cette après-midi j'ai bien réfléchi et je me dis que s'il faut passer quelqu'un par les armes, la justice voudrait que ce soit tous ou personne. Et comme on ne peut pas tous les faire passer au tourniquet, ce sera finalement personne.





QUAND MÊME ! Veuillez d'abord vous rafraîchir la mémoire avec cette lettre-ci. Une bonne nouvelle ? Pas du tout !! Réfléchissez davantage que Lagarde, voyons ! Au lieu de payer vos impôts 2008 sur dix mois de 2009, grâce à ce trait de génie comme seuls peuvent en avoir Lagarde et son complice Woerth, vous aurez à les payer sur les derniers mois de 2009, puis sur les premiers de 2010, auxquels s'ajouteront les impôts afférents à 2009 !!!!!

Pourtant, j'aurais eu honte de vous en parler, juste après vous avoir démontré les mérites de la vertu de pauvreté chez Jeanne Jugan, mais figurez-vous qu'un miracle se produisit !! Je reçus ceci il y a deux jours. Je vous en donne copie conforme :





Mettez-vous à ma place. Mon sang ne fait qu'un tour. Bénissant Sarkozy et ses valets, je téléphone aux impôts... qui confirment. Etant donné que je n'avais aucun revenu déclaré en 2007 et que je paye une somme phénoménale en 2009 pour les revenus 2008, je bénéficie du bouclier fiscal !!!

Et nous voilà, cette après-midi 13, devant une Dame qui a le toupet de me dire qu'elle n'est pas au courant. Que le ministère a des ordinateurs qui envoie des trucs tout faits à des contribuables sans qu'eux-mêmes, les agents des impôts, soient informés. Après s'être un peu fait remonter les bretelles, elle décide de se dégager en m'envoyant au Contrôleur Général.
Il lit la lettre et me demande aimablement : "Avez-vous demandé l'imprimé n° 2041 DRID ?" Il me regarde, devine que la question me fait bouillir intérieurement, et me déclare tout de go : "Bon ! Ce n'est pas grave ! Combien avez-vous perçu de revenus en 2007 ?" Je lui réponds que je n'en ai déclaré aucun, selon la loi en vigueur, puisque j'étais en arrêt maladie. Et là, j'imagine le pire, qui survient immédiatement : "Oui, mais quels étaient vos revenus ?" Je négocie et je renvoie M. le Contrôleur Général au § 1 qui parle de revenus "réalisés". Tout à coup, je réalise ce que signifie "réalisés" et je m'aperçois, sans étonnement, que la lettre aurait pu me concerner mais qu'elle ne me concerne nullement. Et c'est à ce moment que je dis à mon contrôleur tout le bien que je pense de Laga(illa)rde, de Sarkozy, de Woerth, de Strauss-Kahn and co.

J'ai seulement fini en lui disant qu'il ne fallait pas envoyer n'importe quoi à n'importe qui parce que de fausses espérances pouvaient avoir des conséquences dramatiques. Et lui de me dire : "Mais nous n'y sommes pour rien. Tout ça nous passe au-dessus de la tête !"

Ouf ! Je me sens plus léger de vous avoir conté mes malheurs.

A bientôt, mes amis, et, la prochaine fois, faites quand même gaffe pour qui vous votez, nom d'un chien !!!

Bernard Bonnejean

 

Publié dans politique française

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